Un conte à dormir debout

Par Jean Quatremer

Le gouvernement vient de décider de distribuer une partie de l’excédent budgétaire : 18 milliards d’euros à la fin de l’année ! Il est vrai que tout va bien, très bien même : la croissance va atteindre 3,7 % du PIB en 2007 (inchangée malgré les perturbations financières de l’été) et on espère 3,3 % pour 2008, ce qui devrait permettre de ramener le chômage sous la barre des 8 % (7,8 %). En six ans, les excédents budgétaires ont permis de quasiment diviser la dette publique par deux (à 34 % du PIB) et le seul souci des autorités demeure l’inflation qui se situe encore à 2,4 %.

Quoi qu’il en soit, les efforts faits depuis une dizaine d’années ont payé et le gouvernement va donc en profiter pour diminuer une nouvelle fois l'impôt sur le revenu et, surtout, soigner ceux qui en ont le plus besoin, les jeunes : ainsi, les locataires de 22 à 30 ans qui gagnent moins de 22 000 euros par an, toucheront une aide au logement de 210 euros durant quatre ans pour les aider à s’installer. Les propriétaires qui louent à des moins de 35 ans seront, eux, exemptés d’impôt sur les loyers perçus, ce qui devrait les inciter à pratiquer des prix raisonnables. Les jeunes parents toucheront un chèque de 2500 euros pour chaque naissance afin d’encourager la natalité. Enfin, les soins dentaires pour les enfants de 7 à 15 ans seront entièrement pris en charge par la sécurité sociale (dont les comptes sont aussi largement excédentaires ce qui permettra d’injecter 6 milliards d’euros dans un fonds de réserve).

Ce pays qui réussit, qui a divisé son taux de chômage par 2,5 en quinze ans, que l’ont n’entend jamais pester contre l’euro fort ou les décisions de la Banque centrale européenne, qui a mis en œuvre des réformes structurelles sans attendre qu’il soit trop tard (notamment sur les retraites), ce n’est évidemment pas la France dont tous les comptes sont au rouge. Ce pays, c’est l’Espagne, membre de la zone euro. Et curieusement, plus ses comptes publics revenaient à l’équilibre, plus son économie s’est accélérée. Mais, bon, l’Espagne, c’est loin, c’est au sud, c’est pas pareil que l’Hexagone. Car la France n’est comparable à aucun autre pays au monde. Vraiment ?



http://bruxelles.blogs.liberation.fr/coulisses/2007/09/un-conte-dormir.html

D'après l'excellent Blog de Jean Quatremer sur l'actualité européenne en direct de Bruxelles http://bruxelles.blogs.liberation.fr