L’image : Ado rêveuse. Un mix entre une pochette de 45 tours des années 80 et un timbre poste Marianne des années 90. Problème : on est en 2007.
Les bourdes graphiques : Aucune raison de mettre une majuscule à « présidente ».
Analayse rapide : Une des rares candidats qui n’a pas joué la carte de la simplicité ou de la sympathie dans sa photo. Les chargés de communication du PS ont préféré privilégier la sérénité et la symbolique, pourquoi pas. Par contre, niveau compo, c'est du grand n’importe quoi : la typo arrive sur le menton de Ségolène, la banderole supérieure lui coupe le front, les textes centrés en pied, ferré à gauche en tête, la typo italique « pour faire dynamique »… c’est de la communication visuelle à papa ça les enfants ! Les gars ont dû dépenser tout leur délai de création sur le slogan et ont torché le graphisme juste avant la réunion de présentation.
ÉDIT 21 avril : dans un commentaire, Benoit V remarque judicieusement que cette affiche semble fortement influencée par le ressemble beaucoup au travail de l’artiste Barbara Kruger [ÉDIT 3 mai : rature précédente liée à une erreur de formulation de ma part, soulignée par Alain Korkos dans sa Boîte à images]. En effet, c’est assez flagrant sur ces images. Amusant lorsqu’on sait que Kruger utilisait ce style au 2e degré, pour critiquer la société en ajoutant des slogans virulants à des mages de magazine ! Cf. son article sur Wikipédia.
Affiche inutile pour les électeurs.
Pour rire :
L’image : Simplicité, (pour la sincérité, on repassera), costard-cravate, herbe très verte en fond et ciel sans nuage.
Les bourdes graphiques : Nom forcé sur la largeur avec interlettrage trop important par rapport aux autres éléments texte.
Analyse rapide : Une magnifique impression de manque de naturel. Que ce soit dans l’expression du candidat ou les reflets de lumière de son front, trahissant un éclairage studio. La verdure qui est en arrière plan ressemble à de l’image de synthèse tant ses couleurs tranchent avec le ciel. Moderne, sobre, mais truqué. Cette affiche me fait penser à l’univers des Teletubbies. Et que dire du slogan « Ensemble tout devient possible » qui peut être interprété en bien ou en mal, et qui du coup, ne signifie rien, si ce n’est l'évidence. On pourrait sans problème le coller à n’importe quel candidat.
Affiche inutile pour les électeurs.
Pour rire :
L’image : Sincérité, simplicité, costard, effet de vignettage dans les coins pour fermer l’image, à la Harcourt.
Les bourdes graphiques : Comme pour Laguiller, la hiérarchie de l'info est mal conçue, trop de blocs texte (un titre, un chapeau et un texte en 2 cols auraient probablement suffit), l’œil ne sait pas où aller, il n’est pas attiré vers la lecture.
Analyse rapide : Avec celle le Laguiller, à mes yeux, c’est la 2e affiche utile de cette campagne. Malheureusement, elle est tout aussi mal fichue… Comme s’il fallait choisir entre slogan-only et bordel textuel. Il est possible de faire des affiches à fort contenu texte qui soient agréables à lire… La preuve dans l’exemple de ces affiches pédagogiques éditées par l’ADPF depuis des années.
À noter que l’affiche originelle de Schivardi a dû être réimprimée à cause de la mention « candidat des maires » qu’il a fallu modifier en « candidat de maires ». Le s en mois précisant que tous les maires n’ont pas cautionné cette candidature.
Affiche potentiellement utile pour les électeurs.
Pour rire :
L’image : Sympathie, sincérité, planète, vert, pull en laine violet, logos.
Les bourdes graphiques : Aucune.
Analayse rapide : Comme pour Sarkozy, nous avons une image exagérément artificielle (volontaire cette fois-ci mais tout aussi mal fait). Éclairage du visage incohérent avec les autres éléments, la planète flotte sur un fond vert peu engageant, la typo du nom est connotée futuriste, ce qui, avec l’image de la planète induit plus volontier une ambiance « 2001, odyssée de l’espace » qu’une notion d’avenir. Sur le thème de l’environnement, il y a pourtant de quoi faire en terme d’iconographie…
Affiche inutile pour les électeurs.
Pour rire :
RÉGLEMENTATION DÉSUETTE OU DÉTOURNÉE ?
Tout d’abord, voici 3 liens vers des textes de règlementation officielle : le site du ministère de l’Intérieur, le site du Conseil constitutionnel et le site du CNCCEP. Sur ces textes officiels, parmi quelques normes de fabrication, de diffusion et de contenu énumérées, deux points me semblent gentillement détournés par la plupart des candidats, au nez et à la barbe de tous :
Chaque candidat a droit, pour chaque tour de scrutin, et par emplacement d’affichage, à deux affiches :
– une affiche énonçant les déclarations du candidat : d’un format maximum de 594x841 mm, cette affiche permet aux candidats d’exposer leur programme ;
– une affiche pour annoncer les réunions électorales : cette affiche est plus petite (297x420 mm) et ne doit contenir que la date et le lieu de la réunion, le nom des orateurs inscrits pour y prendre la parole et le nom du candidat.Bien entendu, nous parlons dans ce billet des « grandes » affiches, c’est-à-dire celles où les candidats sont sensés « exposer leur programme ». Comme nous l’avons vu, dans les faits, seuls 2 candidats utilisent ces affiches pour effectivement présenter un résumé de leur programme : Arlette Laguiller et Gérard Schivardi. Certes, la mauvaise qualité formelle de leurs affiches les dessert mais au moins celles-ci apportent un minimum d’information sur les intentions (réelles) de ces candidats.
Les autres affiches sont prétexte à diffuser une photo flatteuse, mise en scène et un slogan créé de toute pièce par des publicitaires. Parce qu’évidemment, et c’est bien là le problème, tout est monté, truqué, retouché, calculé et les candidats eux-même n’ont pour la plupart même pas donné leur avis sur ces affiches. Il y a peu de créations sur-mesure et à quelques détails près, on pourrait sans problème échanger un candidat et/ou un slogan d’une affiche à l’autre. Sur les photos utilisées, seuls les habits, le fond et le slogan changent. Voici ce que les communiquants qui ont conçu ces affiches accordent aux électeurs pour « exposer leur programme » : des fringues, un fond et un slogan. Bon, c’est mieux qu’une femme, une pipe, un pull vous me direz mais bon, quand même…
Et parlons-en des slogans de campagne : « Ensemble, tout devient possible », « La France présidente », « La France de toutes nos forces », « Un autre monde est en marche » etc. Pour qui nous prend-on ? La diffusion de ces messages vaut-elle les millions d’euros financés par le contribuable ? « La farce tranquille », ça c'était du slogan ! ;-)
Après, on peut se demander ce que signifie exactement la formule « exposer leur programme » ? Un slogan suffit-il ou non à exposer un programme ? D’un point de vue pratique, il me semble que non mais apparemment, ça fait longtemps que la question ne se pose plus si l’on en croit cette exposition consacrée aux affiches électorales anciennes qui a lieu Passage du Retz. Une ambigüité dans les termes qui semble donc pleinement assumée par l’État qui a visiblement toujours permis cette forme de communication purement publicitaire autour des candidats, sans trop se soucier de leur relation réelle avec le programme des intéressés.
ÉDIT 12 avril :
Le texte réglementaire figurant sur le site du Conseil constitutionnel diffère « légèrement » du texte figurant sur le site dun ministère de l’Intérieur :
Ministère de l’Intérieur :
« une affiche énonçant les déclarations du candidat : d'un format maximum de 594x841 mm, cette affiche permet aux candidats d'exposer leur programme ; »Conseil constitutionnel :
« à une unique affiche dont les dimensions ne peuvent dépasser 594 x 841mm pour énoncer ses déclarations (avec une tolérance de quelques millimètres); »Sur le site du Conseil constitutionnel, n’est évoqué que le fait « d’énoncer les déclarations des candidats », sans plus de précision. Tandis que sur le site du ministère de l’Intérieur, on précise que cela « permet d’exposer leur programme ». Au niveau du sens, on notera que le terme « énoncer ses déclarations » ne signifie strictement rien (avant cet édit, je n’y avait d’ailleurs même pas prêté intention). En d’autres termes, si l’on se fie à la version du Conseil constitutionnel, l’État semble laisser carte blanche aux candidats au sujet de la teneur hautement marketing, publicitaire de ces affiches, sans trop se soucier de leur utilité publique. Par contre, attention à ne pas dépasser le format, ça c’est important. Regrettable…
Bien entendu, cette précision ne change rien à mon billet, à la médiocrité visuelle de ces affiches et à l'inutilité de la plupart d’entre elles vis-à-vis des électeurs ; mais cela souligne grandement le fait que la réglementation concernant l’affichage électoral est plus que discutable.
D’autre part, dans le chapitre « Moyens de propagande interdits », figure la mention :
La diffusion d’un numéro d'appel téléphonique ou télématique gratuit par un candidat ou à son profit.D’accord. Pas de 08 09 10 11 12 et pas de 3615 code Nihous mais alors pourquoi une partie des candidats incluent-ils dans ces affiches leur adresse internet ?
En ce qui me concerne, la présence de ces adresses sonne comme un aveu de la part des candidats : « désolé, ce ne sont que des affiches de pub ; pour avoir de l'info sur notre programme, rendez-vous sur notre site ». Et côté Institution, elle marque un certain décalage avec l'évolution des médias, notamment sur le web. En tous cas, c’est incohérent.
Enfin, il est mentionné que les candidats n’ont droit qu’à deux affiches par panneau et non 3 comme c’est souvent le cas (2 affiches de com mises côte à côte + 1 affiche pour annoncer les réunions). Ce « détail » augmente tout de même d'un tiers les frais d'impression et de diffusion. Encore une fois, cela n’a pas l’air de déranger le CNCCEP. Ni Dominique Voynet qui prône pourtant, et à juste titre, l'économie du papier.
CONCLUSION
Je pense que ces affiches électorales pourraient être utiles aux français mais dans l’état actuel des choses, elles le sont peu. Pire, la plupart tire probablement plus du côté de la publicité mensongère que de l’image de marque crédible.
Seuls Laguiller et Schivardi ont conçu des affiches pour rappeler leur programme, et encore, celle de Laguiller contient une adresse net, ce qui devrait normalement être proscrit si l’on en croit les textes. Au final, avec un peu d'ironie, je constate que l’affiche la plus correcte de cette campagne vis-à-vis des électeurs est précisément celle dont le CNCCEP a demandé le retirage : celle de Schivardi. Arf…
Pour l’avenir, je vois 2 alternatives envisageables, pour éviter de gaspiller l’argent public et/ou pour ne plus tromper les gens avec ce genre d'affiches :
– soit les candidats conçoivent des affiches qui présentent réellement leurs programmes ;
– soit on remplace toutes ces affiches par une seule officielle (histoire de garder la solennité de l’affichage qui contribue à promouvoir la période électorale), conçue par les services de l’État, dans laquelle chaque candidat aurait un espace pour y mettre un texte et une image le représentant.
Ou alors il faut inventer le quart d'affiche :
;-)
À LIRE AUSSI [liste d'adresses mise à jour au fil des publications]
Où sont donc passées les grandes affiches politiques ? sur le blog de Thierry Vedel.
Osez changer fort, et tout devient possible ! chez Ulfablabla.
Les candidats se cherchent en haut de l'affiche sur le Figaro.fr.
Mon cousin, powerpoint et les affiches... de David Abiker sur Big Bang Blog (PDF à télécharger avec mini-analyse des affiches).
Affichage sauvage et respect de l’environnement sur The Green Post Box.
Les candidats à la Présidentielle 2007 sur Planète orange, dans un registre autrement plus touchant.
Les affiches politiques du collectif Grapus sur le site de la ville d’Aubervilliers.
Une autre analyse rapide des affiches par le directeur de l’agence Carré noir, sur le site du Monde.
Un diaporama publié par le Figaro, sur l’action d’une bande de joyeux drilles qui se sont amusés à coller de vieilles affiches électorales. Bien joué !
Ce que nous disent les affiches par André Gunthert sur le blog de l’actualités de la recherche en histoire visuelle. L’auteur y rassemble une collection de graphiti sur les affiches de campagne (analyse à venir).
Deux billets d'Alain Korkos sur sa Boiboîte : L'urne et l'autre (référence à ce billet) & Ça sent si bon la France.
Une autre analyse de ces affiches par Étienne Mineur, sur Fluctuat (Étienne cite ce billet, c'est la classe ;-)
Source :
http://www.ouinon.net/index.php?2007/04/09/162-a-propos-des-affiches-electorales