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| Ami étudiant... (par Versac) | |
| | Auteur | Message |
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Olivier
Nombre de messages : 442 Date d'inscription : 27/09/2007
| Sujet: Ami étudiant... (par Versac) Mar 20 Nov - 21:07 | |
| Quizz: pendant que les étudiants de certaines universités sous tutelle de l'Etat sont empêchés de travailler au nom du rejet de l'autonomie, les étudiants de grandes écoles autonomes travaillent servilement au lieu de lutter contre l'autonomie de leur établissement. Devinerez-vous qui trouvera un emploi le premier et pourquoi?
Ami étudiant... par Versac
Tu te lances, comme à ton habitude, dans un grand mouvement d'empêchement d'une nouvelle réforme. C'est beau comme le CPE, tu t'amuses, et tu scandes que la loi Pécresse ne passera pas. Avant toi, plein de projets ont avorté, des tas de réformes qui auraient inexorablement conduit l'enseignement supérieur à sa perte.
D'ailleurs, grâce à ta résistance, et celle de tes frères, l'université française se porte admirablement bien. Les études qualifient tout le monde pour des emplois stables et bien rémunérés, les mondes de l'enseignement, de la recherche et de l'entreprise communiquent magnifiquement pour créer une économie prospère et dynamique, les universités sont modernes, bien entretenues, leur matériel est envié par les meilleurs étab;lissements du monde, et nous avons la chance d'avoir des établissements de renom qui attirent la crème de la crème de l'élite mondiale (la France, c'est Top Gun).
Alors, effectivement, quand on voit la situation idyllique dans laquelle se déroulent tes études, on se demande en effet pourquoi faire passer une petite réforme qui vise à accorder un peu plus d'autonomie aux universités. Après tout, mieux vaut que tout se décide à Paris, plutôt que près de la réalité. Mieux vaut que le diplôme et l'enseignement soit exactement le même partout, quelles que soient les spécificités locales. Mieux vaut pas ou peu d'argent que de l'argent privé (dont on sait qu'il s'alit tout ce qu'il touche).
Tu as raison, ami étudiant. Brûle quelques pneus. Laisse éclater ta colère devant cette petite tentative de modification d'un si illustre fonctionnement. La réforme ne doit pas passer !
Surtout une si petite réforme. Tu sais comme moi, ami étudiant, que le moindre petit truc, la plus petite lézarde dans le magnifique édifice si parfait de notre enseignement supérieur ne doit absolument pas être toléré. Rien. Il faut toujours, toujours, en rester au niveau des grands principes, et ne jamais se confronter à la réalité de leur mise en oeuvre.
Je suis content que tu t'engages ainsi, ami étudiant. Dans quelques années, quand tu chercheras, avec ta maitrise inadaptée à ton bassin d'emploi régional, un boulot qui n'aura pas été créé par la belle association entre la recherche, l'enseignement supérieur et les entreprises de ta région, faute d'une gouvernance adaptée, on en reparlera. Mais c'est loin tout ça, hein.
http://vanb.typepad.com/versac/2007/11/ami-tudiant.html
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Dernière édition par le Mar 20 Nov - 21:15, édité 1 fois | |
| | | Olivier
Nombre de messages : 442 Date d'inscription : 27/09/2007
| Sujet: Etudiant, je descendrai dans la rue avec toi quand… Mar 20 Nov - 21:11 | |
| Etudiant, je descendrai dans la rue avec toi quand…
[Introduction : suite à mon billet réactionnaire qui a eu son quart d'heure warholo-internetien en attrapant un nombre considrable de trolls, j'ai demandé à Gizmo, blogo-économiste - ou écono-blogueuse - distinguée, si elle voulait bien transformer son brillant commentaire en un article un peu plus fouillé. Ce qu'elle fait ici. Je l'en remercie. versac]
Par Gizmo
Ami éudiant, Versac t’a déjà apostrophé. Je prends le relais pour t’assurer de mon indéfectible soutien, mais à quelques conditions.
Tu dis que tu veux préserver le service public de l’enseignement supérieur, et que tous les bacheliers doivent pouvoir accéder à l’université sans condition. Je descendrai dans la rue avec toi pour défendre le service public de l’enseignement supérieur, à condition que tu comprennes que l’accès à l’université ne peut être ni automatique, ni gratuit. Deux économistes, Robert Gary-Bobo et Alain Trannoy, ont montré que le couple (gratuité des études, absence de sélection) est un non sens. Autoriser l’accès libre à l’université pour tout bachelier, lorsqu’il existe parallèlement des classes préparatoires aux grandes écoles, c’est entériner une sélection impitoyable, fondée des compétences précocement détectées et une capacité de travail presque suspecte. L’univers préparationnaire diffère de l’univers universitaire, en ce sens que la qualité moyenne des étudiants y est supérieure pour une variance plus faible. Je défends avec toi l’idée que l’université donne le temps aux étudiants d’approfondir sans l’urgence du contrôle, de réfléchir sans la sanction du concours, de se documenter sans le devoir de bachotage. Je descendrai avec toi dans la rue si tu acceptes que les classes préparatoires aux grandes écoles soient intégrées à l’université, et que les meilleurs étudiants suivent les cours des meilleurs enseignants, c’est-à-dire les enseignants-chercheurs qui nourrissent leur pédagogie des développements les plus récents de la recherche, et non une coterie corporatiste d’agrégés préservant leur pré carré au sein de lycées privilégiés.
Au-delà des grandes écoles, la sélection existe dans l’université, mais cela, ami étudiant, tu l’admets, tu le cautionnes, voire même tu en bénéficies sans vergogne. Je descendrai dans la rue avec toi pour dénoncer le dévoiement des missions des IUT (qui dépendent des universités), qui plutôt que de se concentrer sur leur mission (former des techniciens) sélectionnent les meilleurs bacheliers généralistes potentiellement aptes à des études longues, laissant aux filières "classiques" des bacheliers qui précisément n'ont pas été formés pour les études longues (baccalauréats technologiques, voire professionnels). Je sais, tu vas me répondre qu’il est coûteux et risqué de s’engager dans des études longues si on n’est pas sûr de ses capacités ; que tu préfères étudier deux ans à l’IUT, obtenir un diplôme technique, et « si ça marche », poursuivre en licence, voire en master et en doctorat. Mais la logique de la formation universitaire est un tout : les trois premières années de formation sont indispensables pour poursuivre en master. Aimerais-tu savoir que le chirurgien qui t’opère, a fait deux années d’études d’infirmier, puis embrayé sur des études de médecine à partir de la troisième année, en ayant « zappé » les cours fondamentaux d’anatomie ?
Je descendrai dans la rue avec toi, quand à l’issue d’une orientation raisonnée tenant compte de tes aspirations et de tes aptitudes, tu consacreras l’essentiel de ton temps à étudier. Je descendrai avec toi pour réclamer une augmentation substantielle des bourses et des prêts étudiants, te permettant d’étudier sans devoir trouver des sources supplémentaires de financement. Mais j’exigerai de toi en contrepartie une obligation de résultat : puisque tu auras été orienté en fonction de tes aptitudes et de tes aspirations, tu ne pourras pas échouer. La Nation aura investi en toi, et tu pourras retirer les bénéfices privés de cet investissement. A moins que tu sois prêt à descendre dans la rue avec moi, pour défendre une proposition d’Eric Maurin à laquelle j’adhère, qui consiste à financer l’enseignement supérieur par un prélèvement sur les anciens étudiants après leur insertion définitive sur le marché du travail…
Je descendrai dans la rue avec toi si tu acceptes donc d’être un étudiant professionnel et non un client. Tu me fatigues lorsque tu m’interromps pour me demander d’écrire plus lisiblement au tableau. Ce que j’écris au tableau, ce sont des repères. Mes polycopiés, entièrement rédigés, avec des représentations graphiques qui m’ont pris un temps infini à construire car je n’ai pas de formation d’infographiste, te sont offerts gratuitement sur le site internet de l’Université. Télécharge les avant de venir en cours, et prends les notes que tu estimes nécessaires pour les compléter.
Je descendrai dans la rue avec toi, lorsque tu cesseras de diaboliser le financement privé de l’enseignement supérieur. Personnellement, je serais ravie que la MAIF finance ma chaire d’économie d’assurance. Je sais, tu vas me répondre : quelle entreprise financera la chaire de bambara à l’UFR de lettres et sciences humaines ? Je descendrai dans la rue avec toi pour absolument protéger par des financements publics tous les enseignements non immédiatement finançables ou valorisables par une entreprise guidée par le profit à court terme, mais qui participent à la formation du patrimoine scientifique et culturel de l’humanité.
Je descendrai dans la rue avec toi aujourd’hui, mais j’aimerais que tu continues de descendre avec moi dans la rue dans huit ans, quand tu auras obtenu un bon diplôme, un bon emploi, quand tu auras fondé une jolie famille et quand tu te demanderas dans quelle école tu devras mettre tes enfants. Parce que dans huit ans, le service public d’enseignement supérieur sera de nouveau menacé, mais toi, dans le confort de ton pavillon bourgeois, tu te souviendras seulement de ce temps excitant où tu avais bloqué un train en gare de Romorantin pour manifester ta colère contre la loi Pécresse. Moi, je demanderai probablement au responsable technique (s’il en existe encore un) de mon UFR (s’il en existe encore une) de remplacer l’ampoule du rétroprojecteur grillée depuis quinze jours (quand mon collègue anglo-saxon arrivera dans sa salle de cours en y ayant uploadé sa présentation depuis son domicile). Parce que le scandale n’est pas que l’université française soit si minable. Bien au contraire, le miracle, c’est qu’elle produise avec si peu de moyens des réussites exemplaires, tant en termes d’insertion sur le marché du travail des étudiants réellement aptes aux études supérieures qu’en termes de recherche…
Une chose est sûre, dans vingt cinq, je ne descendrai plus dans la rue, pas même avec tes enfants, car après 42 ans de services civils, j’aurais mérité une retraite que tu es prêt à m’accorder dix ans plus tôt, si j’en crois ton élan de solidarité avec les cheminots. Attention, compte tenu de mon âge et de ma génération, j’ai 70% de chances d’atteindre l’âge de 90 ans : avec ma brillante carrière, une opulente et longue retraite à financer…
Documents :
L'Etude des deux économistes, Robert Gary-Bobo et Alain Trannoy, qui ont montré que le couple (gratuité des études, absence de sélection) est un non sens : http://team.univ-paris1.fr/teamperso/rgbobo/rgb.at.droits5b.pdf
La proposition d’Eric Maurin consistant à financer l’enseignement supérieur par un prélèvement sur les anciens étudiants après leur insertion définitive sur le marché du travail… http://laviedesidees.fr/Universite-un-autre-financement.html#nb1
http://vanb.typepad.com/versac/2007/11/etudiant-je-des.html
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