Une interview d'Emmanuel Todd
Sarkozy ? «C'est le respect des forts»
Le 22 novembre 2007
L'historienDernier ouvrage paru, en collaboration avec Youssef Courbage : «le Rendez-vous des civilisations» (Seuil). et démographe estime que «le tempérament agressif» du président «est naturellement dirigé contre les faibles». D'où sa recherche de boucs émissaires...
Le Nouvel Observateur. - Comment expliquer cette nouvelle crise sociale ? La France du refus, du refus de l'Europe, de la mondialisation, se cabre-t-elle à nouveau ? Ou faut-il incriminer Nicolas Sarkozy, plus porté à s 'attaquer aux petits privilèges qu'aux grands ?
Emmanuel Todd. - Pour comprendre ce qui se passe, il faut faire l'histoire du sarkozysme en tant que technique politique. Sarkozy est arrivé au pouvoir grâce à la crise des banlieues. Ministre de l'Intérieur, il y a mis le feu, et le souvenir de cette flambée a été utilement réactivé pendant la campagne par les incidents de la gare du Nord. Il a gagné sur un discours national identitaire. Depuis l'origine, le sarkozysme fonctionne sur la désignation de coupables du mal-être français, de boucs émissaires. Dans les banlieues, ce sont les enfants d'immigrés, aujourd'hui ce sont diverses catégories de fonctionnaires ou assimilés.
N. O. - Vous ne portez pas au crédit de Sarkozy d'avoir fait reculer Le Pen à la présidentielle ?
E.Todd. - Sarkozy va plus loin que Le Pen. Le Pen est dans le domaine du verbe. Sarkozy a utilisé l'appareil d'Etat pour enflammer les banlieues. Les débauchages autour de l'ouverture ont masqué la nature profonde du sarkozysme. Pour une part, le FN est désormais au pouvoir. La réalité de Sarkozy, ce sont deux choix : des cadeaux fiscaux aux riches, et des tests ADN pour donner aux pauvres le sentiment qu'il y a encore plus petits qu'eux, sur lesquels on n'hésite pas à taper. C'est classique : l'incapacité à traiter les problèmes économiques conduit à désigner un ennemi à caractère étranger.
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