Par Jean Quatremer
Combien de temps avant que ce parti, qui n’est d’accord sur rien, n’implose ? Encore une fois, c’est sur l’Europe que ses divisions idéologiques profondes apparaissent au grand jour. Si le bureau national du Parti socialiste a approuvé tout à l’heure le Traité de Lisbonne, c’est seulement par 36 voix contre 20 et 2 abstentions (Arnaud Montebourg et Malek Boutih).
Aussitôt, l’eurodéputé Benoît Hamon (photo:jq), un noniste chargé des questions européennes, a annoncé sa démission du secrétariat du parti : « nommé pour permettre le dépassement du clivage entre le oui et le non, je déplore notre échec », explique-t-il dans un communiqué. Partisan de l’abstention ou de la non-participation au vote lors de la ratification du traité de Lisbonne, il constate « qu’aujourd’hui le PS est une nouvelle fois divisé en deux blocs ». Il est « même divisé sur l’opportunité de soumettre le texte à référendum alors qu’il avait fait de ce principe une obligation démocratique lors de la campagne présidentielle et que ce principe est soutenu par une large majorité des Français ».
François Hollande s’est, lui, réjoui de la « majorité forte » acquise au sein du BN : « nous clôturons une phase. Maintenant, nous allons avancer pour la construction de l’Europe de demain ». Comme politique de l’autruche, on ne fait pas mieux. Combien de temps Hollande compte-t-il retarder la clarification idéologique que doit mener le PS ? Depuis 2005, ce parti n’a absolument pas progressé sur l’Europe. Mais ce sujet n’est qu’une manifestation d’un malaise plus général. En réalité, c’est le rapport à l’économie de marché, au capitalisme, au libéralisme et à l’État qui divise profondément les socialistes. À force de52807 ne pas assumer son virage social-démocrate, qui ne date pas d’hier, mais de 1982 avec le tournant de la soi-disant « rigueur », ce parti est devenu totalement schizophrène ou tout simplement molletiste (de Guy Mollet, président du Conseil socialiste de la IVème République, photo): révolutionnaire dans l’opposition, social-démocrate au pouvoir.
Il y a au moins deux PS : un parti — que j’estime moderne — social-démocrate, prêt à gouverner en faisant les compromis nécessaires avec la minorité politique du moment, ouvert sur l’Europe et le monde, qui a accepté l’économie de marché – le pire des systèmes à l’exception de tous les autres – tout en voulant la réguler davantage que ne le fait la droite. Cette composante est actuellement largement majoritaire. Et un parti archaïque, proche du PC, qui entretient sa soif du « grand soir » purificateur, que l’économie de marché révulse et qui considère l’État comme seul réceptacle de la dimension sociale au point d’en devenir nationaliste. Cette seconde composante, que j’appelle sociale-souverainiste, est antieuropéenne, antilibérale, antimondialiste.
Symbole_communisme Ces deux partis n’ont plus grand-chose à faire ensemble. Maintenir artificiellement en vie le PS d’Epinay, créé à une époque où le PC était encore puissant, c’est l’assurance de ne plus jamais gagner d’élections nationales, si ce n’est à la faveur d’un mouvement de protestation, comme en 1997. La défaite sèche de Ségolène Royal aurait dû servir de leçon. Comme le disait François Mitterrand, la gauche est structurellement minoritaire en France. Elle le sera encore plus si le PS se laisse paralyser par sa gauche souverainiste et archaïque. Il serait temps d'arrêter les soins palliatifs, non?
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