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 La TVA sociale, très mauvaise idée, par Jean Peyrelevade

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Olivier

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Date d'inscription : 27/09/2007

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MessageSujet: La TVA sociale, très mauvaise idée, par Jean Peyrelevade   La TVA sociale, très mauvaise idée, par Jean Peyrelevade Icon_minitimeVen 28 Sep - 22:06

Premier désenchantement : l'affaire de la TVA sociale montre que le pouvoir nouvellement élu a une pensée macroéconomique de portée limitée.


De quoi s'agit-il ? Notre système de protection sociale est financé à plus de 60 % par des cotisations assises sur les salaires et, qu'elles soient qualifiées de patronales ou de salariales, payées en fait par les entreprises. Raisonnons dans l'absolu : faire supporter cette charge par notre système productif est stupide. Elle est bien entendu aussitôt répercutée sur l'ensemble des citoyens qui, bénéficiaires des transferts sociaux, supportent toujours, en dernier ressort, le coût réel du prélèvement qui les finance.

L'entreprise affectée par un alourdissement de sa masse salariale brute va trouver l'exacte contrepartie de cette charge soit dans une diminution des salaires nets (ce sont alors les salariés et les revenus du travail qui portent le système), soit par une augmentation de ses prix (ce sont ici les consommateurs qui payent), soit par une diminution de sa marge, qui affectera ses actionnaires et les revenus du capital.

Dans tous les cas, le passage par l'entreprise comme percepteur intermédiaire n'a pas seulement pour effet de rendre la répartition de l'effort de financement opaque et aléatoire. Dans une économie de concurrence mondialisée où la compétitivité de notre appareil productif constitue un enjeu majeur, la hausse des prix de production, induite par l'existence de cotisations sociales à un niveau beaucoup plus élevé chez nous que chez nos principaux concurrents, entraîne perte de débouchés, baisse des exportations, hausse des importations et destruction d'emplois. Surtout depuis que nous ne pouvons plus agir sur notre taux de change pour corriger l'alourdissement de nos prix de revient.

D'où l'idée simple et juste, si souvent exprimée : nous disposons d'un réservoir important de compétitivité. Une diminution des charges sociales qui pèsent sur les entreprises allège le coût du travail, favorise l'emploi, augmente la compétitivité et améliore en conséquence le taux de croissance. Afin de maintenir constantes les recettes de Sécurité sociale, il faut cependant compenser par l'instrument fiscal la réduction ainsi consentie. Quel que soit l'impôt utilisé à cette fin, on aura alors "budgétisé" une partie des charges sociales, pour le bien de notre appareil productif.

Comment y parvenir ? La chose est aisée si les finances publiques sont saines et le budget proche de l'équilibre. Il suffit, à taux d'imposition inchangés, d'affecter une partie des recettes fiscales supplémentaires dégagées chaque année par la croissance économique à la réduction progressive des charges des entreprises. Inutile, dans ces conditions, de se demander quel impôt, direct ou indirect, est précisément utilisé. Chacun y participe, à hauteur de sa part dans les recettes de l'Etat. Aucun prélèvement nouveau n'est opéré sur le pouvoir d'achat des ménages : l'amélioration de notre compétitivité se fait au fil du temps, le réservoir des charges sociales étant progressivement vidé.

Las, le nouveau gouvernement s'est mis le dos au mur. Les diminutions d'impôts consenties aux personnes physiques (surtout aux plus favorisées) vont aggraver le déficit budgétaire et repousser dans le temps l'indispensable rétablissement des finances publiques. Jouant sur la demande (baisse des droits de succession, déduction des intérêts d'emprunts immobiliers, réduction de l'ISF) au nom d'un keynésianisme dépassé et aux effets plutôt négatifs en économie ouverte, il a inutilement dissipé des ressources qu'il eût fallu consacrer à l'amélioration de l'offre. Dès lors, tout allégement des charges des entreprises doit être gagé, euro pour euro. L'avantage des uns n'est possible que moyennant le sacrifice des autres. La diminution des cotisations n'est envisageable que si l'on augmente en contrepartie un taux d'impôt, direct ou indirect : il faut choisir, et discuter les avantages et inconvénients de chaque solution.

Tant qu'à faire, je préfère pour ma part l'impôt direct (impôt sur le revenu ou CSG). D'une part, il fait participer chacun à l'effort, en fonction de ses capacités contributives, d'autre part le transfert de charges des entreprises vers les ménages est explicite, conforme à l'objectif poursuivi et sans effet adverse sur le niveau des prix. Mais, bien entendu, il entraîne une diminution du revenu net des ménages, et donc de leur pouvoir d'achat.

Nombreux sont, au contraire, les partisans d'une compensation par le biais de la TVA (dite dès lors, à due proportion, "TVA sociale"). Les bienfaits de son usage seraient multiples : "Ce système permet d'exonérer les exportations du financement de la protection sociale et de taxer les importations", assure Nicolas Sarkozy (Ensemble, XO Editions, 158 p., 14,90 €). En même temps, "en diminuant le coût du travail, il favorise les entreprises qui emploient relativement plus de main-d'oeuvre". Ainsi est-ce "un moyen pour lutter contre les délocalisations, pour créer de l'emploi, pour faire augmenter le pouvoir d'achat". Enfin, il est peu probable que les prix augmentent "puisque la baisse des cotisations compensera dans les prix de revient la hausse de la TVA". N'en jetez plus, la coupe est pleine. Au point de déborder : ces divers effets bienheureux sont incompatibles entre eux.

Une vraie démonstration n'est sans doute pas inutile. Distinguons les trois parties prenantes. D'abord les consommateurs : ils payent le prix des biens et services sur le territoire français, toutes taxes comprises. Ensuite les entreprises : elles reversent la TVA au fisc et les charges sociales, aussi bien salariales que patronales, à la Sécurité sociale. Enfin les caisses publiques, budget d'un côté, Sécurité sociale de l'autre, que nous traiterons conjointement.

Hypothèse centrale, supposons que le transfert suggéré n'entraîne aucun mouvement de prix, toutes taxes comprises. Les consommateurs payent toujours les mêmes montants. La hausse de la TVA compense exactement l'allégement des charges payées par les entreprises : la somme totale que celles-ci versent aux caisses publiques est donc inchangée, de même que les salaires nets de toutes charges qu'elles payent à leur personnel.

Personne n'a rien gagné ni rien perdu, et les flux de recettes et dépenses demeurent pour chacun identiques. Il n'y a ni augmentation de recettes pour la Sécurité sociale ni bien sûr de gain de pouvoir d'achat pour les salariés. La seule conséquence immédiate de ce bouleversement est un avantage pour les exportateurs puisqu'ils vendent à l'étranger hors TVA alors qu'à l'inverse les importateurs supportent à plein sa majoration. Exportations et importations étant du même ordre de grandeur, l'effet net en recettes publiques est nul. Seul demeure un effet prix (baisse à l'exportation, hausse à l'importation) qui a bien les mêmes conséquences qu'une dévaluation.


Faut-il rappeler aux défenseurs de cette admirable réforme une vérité élémentaire ? Toute dévaluation (celle-là comme les autres) se traduit par une hausse des prix à l'importation, qui diffuse ensuite dans le reste de l'économie. En ordre de grandeur, le commerce extérieur représentant un quart de notre PIB, les ménages perdront mécaniquement en pouvoir d'achat 0,25 point par point de hausse de prix des produits importés (donc par point de majoration de TVA) avant même que s'enclenche la spirale prix/salaires.

Dire, avec Jean Arthuis, que cet effet ne jouera pas, car les importateurs absorberont la hausse de TVA dans leurs marges, c'est dire que la dévaluation sera sans effet sur les importations et donc perdra de ce fait la moitié de son efficacité théorique. Admirons la contradiction interne du raisonnement : pourquoi augmenter la TVA si cela n'entraîne aucune hausse du prix des importations ? Que devient alors l'arme anti-délocalisation de François Fillon ?

Tout ça pour ça ? Oublions le gigantesque chantier que ce mouvement impliquerait, les frottements multiples qu'entraînerait une telle réforme entre les secteurs favorisés (les industries de main-d'oeuvre) et les autres (les industries fortement capitalistiques qui verraient leurs marges diminuer, la hausse de la TVA étant pour elles plus lourde que l'allégement des charges salariales), le fait que notre taux de TVA (19,6 %) est déjà élevé par rapport à la moyenne européenne et que plus on l'augmente, plus on encourage le travail au noir, déjà trop répandu. Il reste deux effets incontestables et deux seulement : arbitrage de long terme plus favorable à l'emploi, dévaluation instantanée, non répétitive et d'un taux maximum de 5,4 % si l'on va jusqu'à atteindre le plafond de 25 % pour le taux de TVA, sous l'hypothèse centrale de stabilité des prix et des marges des entreprises françaises.

A cet égard, la référence faite très souvent au succès de l'expérience allemande (transfert des charges sociales à hauteur de 1 point de TVA) est abusive. Depuis cinq ans, les marges brutes des entreprises d'outre-Rhin ont massivement augmenté (de l'ordre de 4 à 5 points de valeur ajoutée), la part des salaires bruts dans la valeur ajoutée étant tombée à un minimum historique, de l'ordre de 58 % : avec une compétitivité aussi brillamment rétablie, les entreprises allemandes n'ont aucun besoin de continuer à améliorer leur rentabilité et peuvent exactement compenser, à marges et donc à prix constants, allégement des charges et augmentation de TVA.

En France, au contraire, les marges des entreprises diminuent de manière préoccupante depuis deux à trois ans. Il est ainsi hautement probable que les hausses de prix induites par des importations plus onéreuses, comme celles décidées par les secteurs très capitalistiques pour lesquels la réforme se traduirait par une nouvelle réduction des marges, se propageront à l'ensemble du secteur productif. Que les salariés, au vu de cette évolution, durcissent leurs revendications et l'on aura vite perdu (comme dans une dévaluation ratée, par relance de la spirale prix/salaires) le bénéfice abstrait d'une réforme illusoire. Au demeurant, il n'est pas de dévaluation réussie sans prélèvement sur le pouvoir d'achat des ménages.

Quelques mots pour conclure : un Etat impécunieux est un Etat impuissant, on ne renforce pas une économie qui a un problème d'offre en allégeant les impôts des ménages (le contresens est manifeste) et les plus beaux gadgets ne peuvent pallier l'absence d'une vraie pensée macroéconomique.

Jean Peyrelevade, économiste

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Pourquoi je choisis François Bayrou, par Jean Peyrelevade. 06.12.06

Ségolène Royal sera la candidate du Parti socialiste à la prochaine élection présidentielle. Dominique Strauss-Kahn, porteur trop tardif d'un vrai projet social-démocrate, a été lourdement battu. Convaincu de la nécessité politique du réformisme, je me sens orphelin de représentation, sans doute comme beaucoup de citoyens qui sont proches de la "deuxième gauche".

Le réformisme est plus que jamais nécessaire. Le capitalisme, fondé sur la liberté des échanges et la propriété privée des moyens de production, gouverne aujourd'hui la vie économique de la planète. Or le modèle de développement qu'il fabrique est, en l'absence d'une régulation suffisante, insoutenable à terme. Insoutenable car incompatible avec l'équilibre écologique du globe, insoutenable encore car il génère des inégalités excessives entre les nations comme à l'intérieur de chaque pays : l'intérêt des actionnaires n'est décidément pas le seul qui doive être pris en compte et l'intérêt général doit être mieux défendu.

Mais on n'oubliera pas, en même temps, que l'économie de marché, l'économie de libre entreprise, est le seul modèle connu qui fabrique à l'échelle des peuples innovation, croissance et progression du pouvoir d'achat. Ni que l'ouverture des frontières et l'extension du commerce international, ces deux composantes essentielles de la mondialisation, ont permis à maints pays émergents, à l'Asie tout entière, à la Chine et à l'Inde, de sortir de la misère. A notre avantage, quoi qu'on entende trop souvent à ce sujet : que serait la modeste croissance française si celle du monde était deux fois plus faible ?

La mondialisation n'est pas une malédiction mais une chance, à condition d'être gérée. Un Etat prospère, fort de finances publiques enfin assainies, saura investir dans la recherche, la formation et la qualification de sa main-d'oeuvre, de même qu'il pourra organiser à l'intérieur de ses frontières les transferts de revenus qu'appelle la solidarité nationale. Il faut donc corriger des processus et des réglages inadéquats, favoriser l'expression de contre-pouvoirs, contenir les effets externes nuisibles d'une volonté d'enrichissement sans contrôle ni mesure. Mais non pas casser, ou même faire semblant de détruire par la parole, un instrument auquel il n'existe pas de substitut.

On ne peut réguler le système capitaliste et sa variante mondialisée si l'on refuse de reconnaître ce que leur existence a de nécessaire, si l'on affirme, d'ailleurs en vain, vouloir leur disparition pure et simple. "Je suis anticapitaliste", dit Marie-George Buffet ; "je suis contre la mondialisation libérale", déclare Laurent Fabius ; et François Hollande, dont la parole engage le PS, conclut : "Je suis antilibéral." Inutile, hélas !, d'ajouter à ces citations celles de l'ultragauche : de telles postures en disent plus long sur l'impuissance de leurs tenants que sur le contenu d'une véritable politique de réformes. On sait depuis longtemps où commence la démagogie : qui refuse le principe de réalité se condamne à l'inaction, et donc un jour à la surenchère verbale. Cependant, le réchauffement climatique est une menace pour l'espèce. Comment croire que l'on pourra lutter contre cette évolution dramatique sans définir d'abord une position européenne ? Aucun accord mondial visant à réduire l'effet de serre, à diminuer par réglementation et taxation les émissions de gaz, n'a la moindre chance de convaincre, d'un côté, les Etats-Unis, soucieux de maintenir un mode de vie pourtant trop dispendieux, de l'autre, la Chine, qui résiste à toute mesure susceptible de contraindre sa croissance, s'il n'est conçu, expliqué, popularisé par l'ensemble regroupé des démocraties européennes. Que pourrait une France seule, repliée derrière ses frontières hexagonales, dans ce combat planétaire ?

Il est temps, grand temps, de mettre en place une agence européenne qui organise un avenir énergétique moins consommateur de ressources fossiles, qui élabore et impose sur nos territoires les politiques et les normes indispensables à la protection de l'environnement. Or la gauche de la gauche est aujourd'hui anti-européenne, de même qu'une partie significative du PS. Par quel miracle les intéressés entendent-ils amener l'univers à leurs vues ? Je crains que, pour un temps, la gauche en général et le PS en particulier ne soient frappés d'une sorte de régression : l'exception française, dont ils se veulent à nouveau les champions, relève souvent de l'illusion.


Ainsi, entre une droite parfois trop sensible aux intérêts du capital et une gauche inconséquente, le centre a-t-il enfin la chance historique de trouver son utilité. Nous sommes en situation d'urgence. François Bayrou est le mieux placé pour incarner les valeurs désertées de la social-démocratie. Qu'il le fasse, et il sera l'homme-clé de la prochaine élection présidentielle.
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