La vente des Echos : l’inceste, une maladie bien française

LA VENTE DES ECHOS

L’inceste, une maladie bien française

IL NE S’EST trouvé que l’ineffable Georges-Marc Benamou, conseiller culturel et audiovisuel de Nicolas Sarkozy, pour juger que le rachat des Echos par LVMH était "une formidable nouvelle", alors que les salariés du journal, écoeurés, accueillant sous les huées leur ancien propriétaire, déployaient hier une grande banderole sur laquelle étaient inscrits: "M. Arnault, l'indépendance n'est pas un luxe". Mais comment rester indépendant lorsque le groupe LVMH a été cité plus de 130 fois dans Les Echos depuis le 1er janvier 2007 ? Bernard Arnault est en 2007 l'homme le plus riche de France. Challenge évalue sa fortune à 23 milliards d'euros et Forbes fait de lui la 7e personnalité la plus riche du monde. Comment les Echos vont-ils pouvoir parler de Louis Vuitton, Dior, Céline, Kenzo, Chaumet, du Bon Marché, de Sephora, de Moët & Chandon, Veuve Cliquot, Château d'Yquem et tant d’autres, propriétés de son groupe…D’autant que son appétit n’a pas de bornes : il s'est doté d'un pôle médias qui comprend Investir, Radio Classique, Le Monde de la musique, Connaissance des arts et … l’autre quotidien économique La Tribune qu'il s'apprête à céder afin d'échapper à une éventuelle sanction des autorités de la concurrence. Cette affaire est typique des rapports incestueux qu’entretient en France le monde de la politique, de la finance et de la presse et que le Sarkozysme avait magnifiquement illustré dès le soir de son élection par la célèbre soirée au Fouquet’s. Que les premiers acteurs de la presse écrite et audiovisuelle soient des industriels proche du pouvoir a montré ses dangers dans plusieurs affaires récentes, comme l’éviction d’Alain Genestar de Paris-Match pour crime de lèse-majesté. Mais lorsqu’un journal comme Les Echos doit son succès à sa crédibilité dans le monde des affaires, c’est sa crédibilité qui est en question. Collectionneur de marques prestigieuses, Bernard Arnault rêve depuis longtemps de posséder Les Echos. "Il le veut, et il l'aura", a fait savoir son entourage, car il croit sans doute que tout s’achète, y compris les salariés. Mais les Echos, ce n’est pas une marque comme les autres, ce n’est pas un logo sur un tee-shirt, c’est une vieille maison, composée de journalistes qui pour le coup ont tous fait front depuis des mois pour préserver cette indépendance. Et qui n’ont pas fini de mener bataille, même s’ils viennent de perdre la première manche. Jean-Marcel Bouguereau

(le mercredi 7 novembre 2007)

http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/opinions/commentaires/20071107.OBS3409/linceste_une_maladie_bien_francaise.html

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